Le psoriasis en France : quel regard des patients sur leur bien-être & sur la qualité de leur prise en charge ?

Marie-Aleth Richard*, Laurent Misery**, Jean-Michel Joubert***, Grégory Caillet***, Roberte Aubert****

Service de Dermatologie, Vénéréologie et Cancérologie Cutanée, CHU de Marseille, Hôpital de la Timone* ; Service de Dermatologie et Vénérologie, CHRU de Brest** ; Almirall France, Paris*** ; France Psoriasis, Paris****.

Le psoriasis représente l’une des maladies cutanées inflammatoires chroniques les plus fréquentes et invalidantes (1) Selon une étude épidémiologique récente (2) on estime que 2,3 millions d’adultes en France en souffrent. Le fardeau psychosocial de la maladie est important, avec une qualité de vie fortement altérée (3). Le psoriasis peut compromettre plusieurs domaines de la vie, dont le travail, les relations sociales et la vie familiale (4). L’anxiété et la dépression sont fréquentes et touchent non seulement les patients mais aussi leur entourage (4). Au cours des trois dernières décennies, d’importantes avancées ont vu le jour dans le traitement du psoriasis permettant d’envisager des rémissions durables (5). Malgré ce progrès, une majorité de patients continue à souffrir de cette maladie (1). Afin de comprendre et prendre en compte cette souffrance, il est important de s’intéresser à la perception du patient, de son bien-être global et de sa prise en charge. 

Pour ces raisons, nous avons entrepris une grande enquête pour explorer le vécu des patients atteints de psoriasis en France. Cette étude a été menée dans le cadre du programme Printemps des maladies inflammatoires chroniques de la peau, auprès des adhérents de l’association France Psoriasis, seule association de patients consacrée à cette maladie en France. Les 15 000 adhérents de l’association ont été invités à participer à l’enquête par courrier électronique. Tout adhérent âgé de 18 ans et plus, atteint de psoriasis et ayant donné son accord au recueil de leurs données était éligible. Un questionnaire à remplir au moyen d’une interface web, leur a été adressé. Les données démographiques ont été recueillies, ainsi que des réponses aux questions sur leur perception de la maladie et de sa prise en charge. Les participants ont également été invités à compléter un certain nombre de PREMS (patient-reported experience measures) s’intéressant à la relation du patient à sa maladie, en particulier le Simplified Psoriasis Index (SPI) (6) et le Well-Being Questionnaire (W-BQ12) (7).

Les participants

 FIGURE 1. Caractéristiques des participants à l’enquête

Le psoriasis, une maladie qui peut être sévère

La sévérité de la maladie a été évaluée au moyen du questionnaire SPI. Cette évaluation prend en compte l’étendue et l’activité inflammatoire des lésions. Il est à noter que 23% des patients présentaient un psoriasis modéré ou sévère. À la question « Avez-vous l’impression que votre dermatose s’aggrave ? », 41 % considéraient que c’était le cas.

Un bien-être altéré, surtout dans les formes sévères du psoriasis

Le bien-être des participants a été évalué au moyen de l’auto-questionnaire W-BQ12, échelle globale mesurant le bien-être psychologique, courte, fiable et validée. Ce score peut varier entre 0 (une perception de bien-être la plus négative possible) et 36 (une perception de bien-être la plus positive possible).

Dans l’enquête, le score moyen (± ET) des participants était de 18,8 ± 7,1, et était d’autant plus bas que la sévérité du psoriasis était importante (de 19,4 ± 7,1 pour le psoriasis léger à 14,6 ± 7,1 pour le psoriasis sévère). Une analyse de régression logistique multivariée a été réalisée afin d’identifier des variables éventuellement liées à l’appréciation du bien-être des participants. Les variables évaluées dans le modèle étaient les suivantes : l’âge, le sexe, la qualité de vie, la localisation des lésions psoriasiques, la sévérite du psoriasis, le stress, la productivité, la somnolence, la fatigue, et le niveau de participation aux activités et à la vie familiale. Parmi celles-ci, seuls l’âge, le sexe, la localisation des lésions et surtout la sévérité du psoriasis étaient associés à une altération du bien-être (FIGURE1). Avoir un psoriasis sévère et être une femme étaient les deux conditions pour une dépréciation du score W-BQ12 : -8.0 [IC 95% : -11.9 à -4.2; p < 0.001] pour la première et -9.1 [-10.9 à -7.3; p < 0.001] pour la deuxième (FIGURE 2).

Une satisfaction de la prise en charge du psoriasis qui interroge

La moitié des participants était suivie par un dermatologue (21% à l’hôpital et 30% en ville) et 22% par un médecin généraliste (TABLEAU 1). Parmi les autres, 25% déclaraient ne consulter aucun médecin pour leur psoriasis. Parmi les patients ayant un psoriasis sévère, 58% étaient suivis par un dermatologue, mais 29% déclaraient n’être suivis par aucun professionnel de santé (TABLEAU 1). En outre, 12% des participants se sont vus proposer un soutien psychologique, mais un quart de ceux-ci l’ont refusé.

TABLEAU 1. Professionnels de santé impliqués dans la prise en charge

« Êtes-vous satisfait de la prise en charge de votre dermatose ? » : 31 % n’en étaient pas satisfaits, 56 % étaient satisfaits, et 14 % déclaraient ne pas avoir d’avis. La proportion de non satisfaits augmentait avec la sévérité de la maladie, de 23 % pour les patients porteurs d’un psoriasis léger à 48 % pour le psoriasis modéré et 58 % pour le psoriasis sévère.

Une analyse de régression logistique multivariée a été réalisée avec la non-satisfaction de la prise en charge comme variable à expliquer. Les mêmes variables que pour le well-being ont été entrées dans le modèle. L’âge, le sexe, la sévérité du psoriasis et la localisation des lésions étaient les variables isolées par le modèle. La sévérité du psoriasis était la variable la plus étroitement associée à la non-satisfaction, avec un odds ratio de 4,5 [2,9 à 7,1 ; p < 0,001] (FIGURE 3).

La sévérité du psoriasis est un déterminant important du bien-être et de la satisfaction de la prise en charge

FIGURE 2. Altération du score de bien-être W-BQ12

La taille des bulles représente l’importance de la réduction du score W-BQ12 dans les différents sous-groupes de participants.

 

FIGURE 3. Non-satisfaction de la prise en charge

La taille des bulles représente l’odds ratio dans les différents sous-groupes de participants par rapport à un groupe de référence (homme, sévérité légère ou absence de lésions).

Ce travail soulève des questions sur la prise en charge du psoriasis qu'il est important de s'approprier

 

Cette enquête a permis de décrire en partie le vécu des patients souffrant de psoriasis. Elle montre que, pour une proportion importante de patients, le bien-être est altéré et la perception de la prise en charge est insatisfaisante. Ce travail apporte des éléments nouveaux sur ces deux sujets. Il ne nous renseigne cependant ni sur l’interaction dynamique entre la sévérité de la maladie, le bien-être et la qualité de la prise en charge, ni sur les causes sous-jacentes de ces altérations. Les résultats posent des questions importantes à prendre en compte si nous voulons améliorer la qualité de vie de ces patients. Tout d’abord, il est étonnant que presqu’un quart des patients, et notamment ceux avec une maladie sévère, déclare ne pas consulter de médecin pour leur psoriasis et il est clairement important d’en comprendre la raison. En second lieu, les moteurs de l’altération du bienêtre du patient restent à expliquer. Il semble essentiel de les identifier pour envisager de les prendre en charge. Enfin, à une époque où un traitement adapté peut effectivement contrôler la maladie, la non-satisfaction d’une proportion non-négligeable des patients vis-à-vis de leur prise en charge nous interpelle. De telles interrogations appellent sans doute des travaux plus approfondis sur ces sujets, qui pourraient être menés collégialement avec les représentants des patients et l’expérience des différents acteurs de la prise en charge.

 

Almirall soutient le Printemps des maladies inflammatoires chroniques de la peau (PMICP). Cette initiative réunit cinq associations de patients qui ont mené une étude dédiée aux maladies inflammatoires chroniques de la peau, qui touchent près de 10 millions de Français : eczéma, psoriasis, acné et maladie de Verneuil.

(1) Griffiths et al. Psoriasis. Lancet 2021; 397: 1301-1315.

(2) Richard et al. Sex- and age-adjusted prevalence estimates of five chronic inflammatory skin diseases in France: results of the « OBJECTIFS PEAU » study. J Eur Acad Dermatol Venereol 2018; 32: 1967-1971.

(3) Langley et al. Psoriasis: epidemiology, clinical features, and quality of life. Ann Rheum Dis 2005 ;64 Suppl 2: ii18-23.

(4) Nguyen et al. The psychosocial impact of acne, vitiligo, and psoriasis: a review. Clin Cosmet Investig Dermatol 2016; 9: 383-392.

(5) Reid and Griffiths. Psoriasis and Treatment: Past, Present and Future Aspects. Acta Derm Venereol 2020; 100: adv00032.

(6) Chularojanamontri et al. The Simplified Psoriasis Index (SPI): a practical tool for assessing psoriasis. J Invest Dermatol. 2013; 133: 1956-62.

(7) Plowright et al. Evaluating the 12-item Well-Being Questionnaire for use in multinational trials. Qual Life Res 1999 ; 8: 650.