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Mieux vivre dans son environnement avec son handicap

« Dès qu’une articulation est douloureuse, inflammatoire, elle perd les muscles qui l’entourent, elle s’atrophie. Il ne faut pas perdre de temps et proposer systématiquement des séances de kinésithérapie ou d’ergothérapie », conseille Nadia Belmatoug.

En phase inflammatoire, elle recommande « une rééducation douce ». Un kinésithérapeute pourra ainsi proposer des exercices de contractions isométriques, pour renforcer les muscles sans les étirer ni les raccourcir. Lorsque l’inflammation est calmée, « un travail plus de fond, de mobilisation » devra être envisagé. Le patient peut aussi apprendre à mieux vivre dans son environnement avec son handicap, grâce à un ergothérapeute.

« Si un patient a une douleur au doigt avec une articulation inflammatoire, ce professionnel va lui montrer comment ouvrir une bouteille en ménageant l’articulation douloureuse, ou l’orienter vers l’utilisation d’un ouvre-bouteille adapté », développe la rhumatologue.

Ces aides sont normalement proposées par le médecin « mais s’il oublie, le patient ne doit pas hésiter à le lui demander », rappelle-t-elle. Malheureusement, face aux nombreuses demandes, les délais s’allongent. Et de plus en plus, les hôpitaux souffrent de la pénurie de ces professionnels.

« Les associations de patients doivent se battre pour garder des postes d’ergothérapeutes et établir des annuaires permettant d’identifier et de localiser rapidement les professionnels », suggère le Dr Belmatoug.

Par ailleurs, ces séances ne sont pas toujours remboursées. Il est alors possible de déposer un dossier à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). La reconnaissance du handicap permet notamment au patient d’obtenir des aides financières ou de demander une adaptation de son poste de travail. Elle peut même représenter un atout à l’embauche, car les employeurs de plus de 20 salariés sont tenus de compter 6% de travailleurs handicapés dans leur effectif. Enfin, le rhumatisme psoriasique entre, dans certaines conditions, dans le cadre de l’affection de longue durée (ALD) n°27. Ce classement entraîne une prise en charge à 100% de la kinésithérapie, de l’orthoprothésie, ainsi que des ergothérapeutes, des psychologues et des diététiciens en milieu hospitalier ou au sein d’un réseau. Ce classement en ALD permet aussi le remboursement d’aides techniques, par exemple pour l’acquisition d’un siège pour la douche ou de poignées d’appui.

« Le rhumatisme psoriasique est une pathologie lourde à vivre. On ne peut pas s’habiller ou se chausser comme on le souhaite, ni avoir accès aux activités sportives et de détentes que l’on veut », raconte à l’APM Josette Theotiste, qui a développé un rhumatisme psoriasique après 15 ans d’atteinte cutanée. « Dans la vie de tous les jours, il y a des gestes qui me sont pénibles car j’ai mal aux mains et aux poignets », précise cette infirmière de métier. Pour soulager le quotidien, toutes les astuces sont les bienvenues, comme emporter un chariot pour les courses ou acheter des chaussures qui s’enfilent debout. Il existe des objets pensés pour personnes aux mouvements limités, mais « on ne sait pas forcément où les trouver, car on ne pense pas à la grande surface ou à la pharmacie pour les acheter », remarque Thibaut Delloye, fondateur de Tous Ergo, une entreprise basée à Bondues (59), lors d’un entretien avec l’APM.

Des sites comme www.tousergo.com, www.laboutiquedudos.com ou www.cuisinstore.com sont spécialisés dans la vente à distance de produits conçus pour « rendre l’autonomie aux gens, en atténuant les clivages entre valides et non-valides ». Leurs catalogues foisonnent d’ouvre-bocaux manuels ou électriques, d’essoreuses à salade à piston, de couverts compensés ou incurvés, de stylos anneaux, pour enfiler le stylo autour du doigt et améliorer la préhension, de sièges pivotants pour descendre de voiture, etc. Des vêtements adaptés sont également disponibles par internet, sur des sites comme www.crea-confort.com, www.facilenfil.fr ou www.selfia.com. Les vêtements Selfia s’ouvrent totalement, au moyen de discrets zips, pour faciliter l’habillage en cas de difficultés à lever les bras ou à plier les jambes. « Nous ne sommes pas dans l’aide médicale, mais bien dans le vêtement prêt-à-porter, afin de garder la notion d’achat plaisir », précise à l’APM Jean-François Decalonne, ingénieur textile à l’origine de ce concept, récompensé en 2003 par l’Anvar (Agence nationale de valorisation de la recherche en charge de l’aide à l’innovation).

« On sent depuis une dizaine d’années qu’un besoin est né. Il y a une prise de conscience progressive du handicap, avec un réel changement des mentalités. Mais comme toute nouveauté, cela met du temps à se développer », estime Jean-François Decalonne.

« Il est dommage que notre handicap ne soit pas reconnu ‘tout de suite’. Tant que l’on n’a pas de béquilles ou de fauteuil roulant, les gens n’acceptent pas nos cartes d’invalidité, en particulier dans les transports en commun ou dans les centres commerciaux », déplore Josette Theotiste.

« Au début, je me sentais un peu honteuse de sortir ma carte, mais quand on a mal, on n’a pas le choix », confie-t-elle. « Actuellement, le combat porte sur l’information des médecins généralistes, pas toujours assez sensibilisés au rhumatisme psoriasique, mais également des patients, qui ont aussi leur mot à dire », milite-t-elle.

Rédigé par Vincent Richeux, APM, 1 octobre 2013

Attaquer son rhumatisme psoriasique sur tous les fronts

L’emballement du système immunitaire responsable du psoriasis cutané peut toucher les articulations et les tendons, provoquant un rhumatisme psoriasique. Potentiellement invalidante au quotidien, cette pathologie nécessite une prise en charge précoce et multidisciplinaire par des spécialistes, ainsi qu’une forte implication du patient.

Vous avez un psoriasis cutané et vous ressentez de la fatigue et des douleurs, parfois violentes, au niveau des articulations ?

Il n’y a pas à hésiter pour le Dr Nadia Belmatoug, rhumatologue à l’hôpital Beaujon à Clichy (AP-HP), allez consulter ! Il ne s’agit pas forcément d’un rhumatisme psoriasique, mais le maître mot reste « anticipation », explique le médecin à l’APM. Car s’ils arrêtent ou limitent les atteintes, les traitements ne réparent pas les destructions déjà présentes.

Le rhumatisme psoriasique est le troisième rhumatisme inflammatoire, derrière la polyarthrite rhumatoïde et la spondylarthrite ankylosante. Il appartient à la famille des spondylarthropathies, mais touche plus souvent les articulations périphériques (membres) tandis que la spondylarthrite ankylosante prédomine au rachis (vertèbres et bassin). Il concerne 0,2% de la population, et jusqu’à 30% des personnes souffrant de psoriasis cutané. Dans de rares cas, il apparaît en l’absence d’atteinte de la peau, même si « parfois, le patient ignore son psoriasis cutané et c’est le rhumatologue qui va trouver un point de psoriasis sur le cuir chevelu, le nombril, le pli interfessier ou sur un coude », prévient Nadia Belmatoug. « Les patients souffrent de douleurs communes aux spondylarthropathies », indique à l’APM le Dr Eric Lespessailles, rhumatologue au centre hospitalier régional d’Orléans.

Pour orienter le diagnostic, le spécialiste s’appuie sur l’existence d’un psoriasis cutané personnel ou familial, et sur un faisceau de signes cliniques, biologiques et radiologiques. L’atteinte des interphalangiennes distales, c’est-à-dire le bout des doigts, l’asymétrie des douleurs, ou leur persistance au repos font partie des signes caractéristiques. « Typiquement, le genou droit et la cheville gauche vont être touchés », illustre Eric Lespessailles, « ou le patient est réveillé la nuit et souffre d’une importante raideur matinale, qui se lève progressivement au cours de la journée ».

Les antalgiques et les anti-inflammatoires suffisent généralement pour soulager les rhumatismes psoriasiques modérés. Prescrits pour les formes sévères, le léflunomide et le méthotrexate améliorent aussi un éventuel psoriasis cutané, détaille le Dr Lespessailles. La salazopyrine, également utilisée, est en revanche sans effets sur la forme cutanée. Si les traitements conventionnels échouent, les biothérapies à base d’anti-TNF alpha (etanercept, adalimumab, infliximab) peuvent être proposées, le TNF alpha étant une molécule fortement impliquée dans la réaction inflammatoire. En dernier recours, il reste l’abatacept, peu proposé, évoque Eric Lespessailles. Des traitements locaux, comme les infiltrations ou les synoviorthèses sont également envisageables.

La collaboration entre les médecins, en particulier entre le dermatologue et le rhumatologue, est indispensable car les traitements nécessitent un suivi médical attentif. « Certains patients ont trop d’examens biologiques, prescrits en doublon par le rhumatologue et le dermatologue, tandis que d’autres n’auront pas un suivi suffisant», commente Nadia Belmatoug. Elle encourage fortement le patient à « se prendre en charge lui-même et à constituer un dossier, avec prescriptions, examens et double des courriers, à apporter à chaque consultation ». Comme dans toute maladie chronique, « le patient doit s’impliquer », insiste-t-elle. Cette démarche « nécessite une explication suffisante et même une éducation thérapeutique ». Des séances en hôpital de jour avec un médecin, une infirmière, voire une diététicienne, sont l’occasion d’aborder avec le patient les injections pour les biothérapies, la surveillance des traitements, les voyages, les grossesses, la conduite à tenir en cas d’infections, et les vaccinations, dont certaines sont nécessaires et d’autres contre-indiquées sous biothérapies. « L’équipe médicale et paramédicale doit assurer un entourage, un compagnonnage pour que les patients apprennent à gérer et anticiper ces situations », affirme le Dr Belmatoug.

Les biomédicaments

Le traitement des psoriasis modérés à sévères s'est largement étoffé ces dernières années avec l'arrivée sur le marché des biothérapies.

Ces nouveaux  traitements ont pu être mis au point grâce aux avancées remarquables de la recherche sur le psoriasis. Il s'agit de molécules fabriquées par différentes techniques de biologie moléculaire, destinées à bloquer la formation des lésions en ciblant différents stades du processus immuno-inflammatoire responsable de la formation des plaques.

En effet, on connaît mieux depuis quelques années les mécanismes par lesquels les plaques de psoriasis sont générées. Ces mécanismes font intervenir des cellules inflammatoires, les lymphocytes T (variété de globules blancs) qui vont sécréter des proteines pro-inflammatoires  (dites cytokines ), comme le TNF alpha ( Tumor Necrosis Factor) et les interleukines.

Les biothérapies disponibles sur le marché se répartissent en 2 groupes :

  • les "anti-TNF" bloquent l'action de cette protéine sur ses cellules cibles : 3 molécules sont actuellement disponibles. Infliximab depuis septembre 2005 (REMICADE), étanercept depuis septembre 2004 (ENBREL), et adalimumab depuis décembre 2007 (HUMIRA). Ces 3 biothérapies ont une efficacité sur le psoriasis cutané et articulaire, voire unguéal.
  • d'autre part, les inhibiteurs d'interleukine comme ustekinumab depuis janvier 2010 (STELARA) : qui inhibe l'activité des interleukines IL 12 et IL 23.

Ces médicaments sont réservés aux psoriasis modérés à sévères en échec thérapeutique, c'est-à-dire ceux pour lesquels au moins 2 des traitements suivants sont inefficaces ou contre-indiqués: la photothérapie, la ciclosporine, le méthotrexate.

Ils peuvent être utilisés, contrairement au méthotrexate et à la ciclosporine, chez les patients ayant une anomalie hépatique ou rénale. Ils sont très chers (plus de 10 000 euros par an) ; le patient doit donc avoir une mutuelle ou être à 100% pour en bénéficier.

Le bilan pré-thérapeutique doit éliminer une infection sévère en cours (et notamment une tuberculose occulte pour tous les anti-TNF), un cancer sous-jacent, une insuffisance cardiaque, une grossesse (contraception obligatoire pour tous ces traitements).

REMICADE se pratique uniquement en milieu hospitalier, par voie intraveineuse, au rythme de 3 injections initiales espacées sur 6 semaines, puis 1 injection tous les deux mois. L'efficacité est remarquable, avec 80% de patients blanchis ou presque à 3 mois. Même si l'effet peut s'épuiser au bout de quelques mois chez certains patients, une éude récente montrait qu'à 1 an de traitement continu l'amélioration sur le psoriasis cutané et unguéal restait très important  avec plus de 75 % d'amélioration chez 90 % des patients ( Reich K et al .Dermatology 2010)

ENBREL, HUMIRA et STELARA se pratiquent en injections sous-cutanées à domicile (auto-injections possibles) : pour ENBREL 2 fois par semaine pendant 3 mois puis 1 fois par semaine, pour HUMIRA 1 fois tous les 15 jours et pour STELARA 1 fois tous les 3 mois.

La prescription initiale est hospitalière mais le renouvellement est possible par le dermatologue libéral.

L'efficacité d'ENBREL est moins bonne en début du traitement, de l'ordre de 30% de patients blanchis à 3 mois, mais ce chiffre s'améliore lors de la poursuite du traitement. L'efficacité reste importante et les données de tolérance à long terme sont très rassurants avec plus de 2 ans et demi d' utilisation (Leonardi C Drugs Dermatol 2010)

L'efficacité initiale d'HUMIRA est remarquable de l'ordre de 70 % de patients blanchis à 16 semaines. (Menter A et al. J Am Acad Dermatol 2010)

STELARA est la biothérapie la plus récemment sortie sur le marché : son efficacité a été évaluée dans 2 études princeps avec un recul de 76 semaines. On observe une efficacité de 70 % à 12 semaines, avec une réponse qui se maintient lorsque le traitement est maintenu sur 1 an et demi (durée de l'étude initiale : Papp KA et al. Lancet 2008.)

En conclusion, ces nouvelles molécules, sans être des traitements «miracles», ont permis d'élargir les propositions thérapeutiques pour les psoriasis sévères.

La décision de débuter par l'une ou l'autre des biothérapies est discutée selon chaque cas. En cas d'échec d'une molécule, d'autres biothérapies peuvent être proposées.

Les risques des biothérapies ?

Ils sont mieux connus grâce aux registres de surveillance internationaux. Pour le psoriasis cutané ceux-ci datent de 2005. Mais les biothérapies sont utilisées par les rhumatologues depuis 1998  et les dermatologues bénéficient de l'expérience de leurs confrères. Il est établi qu'il existe une augmentation des cas de  tuberculose sous anti TNF, risque que tout dermatologue se doit de vérifier avant instauration du traitement. Ce risque peut être prévenu si besoin. Concernant l'incidence des cancers sous anti TNF, les registres américains de rhumatologie montrent qu'il n'y a pas de différence entre patient traité et patient non traité par anti TNF- sauf pour les cancers cutanés, généralement bien visibles et facilement accessibles à la chirurgie- ( Patel RV et al J Am Acad Dermatol 2009) . A l'inverse, ces registres de suivi ont permis de montrer qu'il existait des bénéfices secondaires inattendus avec une réduction du risque d'infarctus du myocarde chez les patients ayant des pathologies articulaires traitées par anti TNF.

Les recommandations de mise en place et de suivi ont été établies par l'Agence Francaise de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé et garantissent une utilisation raisonnée et sérieuse. Leur utilisation implique une bonne collaboration entre médecins hospitaliers et libéraux et  une bonne compréhension des attentes du patient.

De nouvelles molécules sont encore en cours d'étude.

Informations sur les traitements :

En cas de questions concernant ce traitement ou en cas d'urgence, vous pouvez toujours joindre le médecin d'astreinte du service de dermatologie qui assure votre suivi. Si vous avez d'autres questions concernant ce traitement n'hésitez pas en faire part à votre dermatologue.

Les traitements de fond

Le Méthotrexate® est aujourd'hui le traitement de fond de référence dans le rhumatisme psoriasique. En effet, à la dose de 0,3mg/kg/semaine en une prise orale hebdomadaire, il permet d'avoir une efficacité démontrée sur les manifestations articulaires périphériques (atteintes des articulations des membres), ainsi que sur les manifestations cutanées. En revanche, l'efficacité du Méthotrexate® sur les atteintes inflammatoires rachidiennes n'a pas été démontrée.

Plus récemment, les biothérapies dirigée contre une protéine pro-inflammatoire appelée TNFa ont été étudiées dans cette maladie, avec des résultats spectaculaires : on les appelle « les anti-TNFa ». Ces médicaments sont au nombre de trois à être commercialisés dans le traitement du rhumatisme psoriasique. En termes d'efficacité ou de tolérance, aucune étude à ce jour n'a permis de mettre en évidence une quelconque différence entre ces différents traitements. Toutefois, il n'est pas rare qu'un patient donné réagisse mieux à tel traitement qu'avec tel autre... ce sont des variations individuelles dont on ne comprend pas très bien l'explication.

Les seules différences résident donc dans les modalités d'administrations de ces médicaments (puisque les prix de ces traitements sont identiques). L'infliximab (Rémicade®) se donne en perfusions réalisées toutes les 8 semaines en hospitalisation de jour. L'étanercept (Enbrel®), est lui administré par voie sous-cutanée une fois par semaine. L'adalimumab (Humira®), le dernier arrivé de cette famille de traitements, est administré par voie sous-cutanée toutes les deux semaines. Ces médicaments ont pour principal effet secondaire une augmentation des infections sévères. Il convient donc de les prescrire à bon escient, et de s'assurer de la justesse du diagnostic avant de le donner à un patient.

Il n'en reste pas moins que l'arrivée de ces nouveaux traitements sur le marché a littéralement révolutionné la prise en charge des patients atteints de rhumatisme psoriasique, en changeant le cours de leur maladie.

Les traitements symptomatiques

Les traitements symptomatiques

Comme leur nom l'indique, ces traitements n'ont pour but que de soulager le patient de manière transitoire (durant la période d'effet du médicament).

Les antalgiques simples (Doliprane®, Diantalvic®, Topalgic®, Efferalgan Codéine® etc...) n'ont qu'une efficacité médiocre sur les douleurs.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (tels que l'Apranax®, le Voltarene®, le Bi-Profénid® etc... que l'on a souvent tendance à confondre avec les antalgiques) ont en revanche une efficacité beaucoup plus spectaculaire, sans pour autant risquer d'aggraver la maladie cutanée.

La corticothérapie par voie générale n'est pas indiquée le plus souvent, car elle risque de déstabiliser le psoriasis cutané, provoquant des poussées cutanées lors de la diminution des doses.