Vivre avec une biothérapie
Interview du Professeur Emilie SBIDIAN, dermatologue au CHU Hôpital Henri Mondor à Créteil (94), secrétaire du GrPso (Groupe de Recherche sur le Psoriasis).
Biothérapie, une condamnation à vie?
C’est probablement la question la plus difficile : en effet, la personne qui reçoit le traitement et celle qui le prescrit se la posent. Une fois que le patient est mis en rémission sous biomédicament, l’objectif va être d’arrêter ce médicament dès que possible.
Comment l’arrêter ?
On va commencer par espacer les doses, voir s’il y a une rechute, et procéder « à tâtons » jusqu’à pouvoir cesser, en prenant bien soin de prévenir le patient qu’il doit nous signaler toute aggravation avant le prochain rendez-vous.
Le message principal :
Ce n’est pas une condamnation à vie,d’autant que des études récentes permettent d’évaluer l’espacement des doses quand les patients sont en rémission partielle ou complète.
Vais-je être malade à cause de l'affaiblissement de mon système immunitaire?
En règle générale, quand on prend un immunosuppresseur, comme les biothérapies ou la ciclosporine, on a un risque aggravé de présenter une infection. Mais si on prend toutes les précautions initiales :
- la mise à jour du calendrier vaccinal,
- le rendez-vous chez le dentiste,
- le dépistage de la tuberculose,
- une recherche des autres risques infectieux à l’interrogatoire,
on minimise le risque d’avoir un affaiblissement du système immunitaire. Le risque zéro n’existe pas, et c’est vrai quel que soit le traitement.
Beaucoup d’études en « vraie vie », réalisées après la mise à disposition de ces médicaments
apportent des données rassurantes par rapport aux autres traitements qui ne sont pas des
biothérapies.
Que faire en prévision d'une intervention chirurgicale?
Au début de leur mise à disposition, il était recommandé d’arrêter le biomédicament au moins deux mois avant la programmation de l’intervention et de la reprendre un mois après. Si on est stabilisé, 3 mois de suspension, c’est envisageable. Dans d’autres cas, on ne peut pas, par exemple, si le traitement n’est pas stabilisé ou si le rhumatisme psoriasique associé n’est pas bien contrôlé .
Dans ce cas-là, on a des données suffisantes : il n’y a pas plus de complications pour les interventions programmées quand on garde biomédicament par rapport au fait de l’arrêter
Et pour les soins dentaires?
Normalement, ils ont été réalisés avant la mise en application du biomédicament. Si on a de gros abcès et si le psoriasis est stabilisé, on peut l’arrêter transitoirement pendant les soins. Mais si on a des difficultés à le faire, on peut le maintenir sauf si l’infection n’est pas contrôlée. C’est vraiment à discuter au cas par cas et il n’y a pas de façon de faire unique.
Quels vaccins sont recommandés?
C’est la chose la plus importante : la remise à jour du calendrier vaccinal. Avant de commencer une biothérapie :
- on met à jour la vaccination contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite
- on s’assure de la vaccination contre l’hépatite B, sinon, on la propose
- on propose le vaccin contre le pneumocoque (deux injections espacées de 2 mois)
- on conseille, tous les ans, la vaccination contre la grippe saisonnière
- on regarde également si les vaccinations par vaccins vivants sont à jour puisque celles-ci ne peuvent pas être réalisées sans qu’on suspende le biomédicament : rubéole, oreillons, rougeole, fièvre jaune (pour les patients qui voyagent). Si ce n’est pas le cas, on les fait au préalable (à noter pour le pneumocoque, on peut commencer le biomédicament après la première vaccination).
Trop peu de patients ont mis leur calendrier vaccinal à jour, or c’est vraiment important par rapport au risque infectieux évoqué précédemment.
Qu’en est-il de la grossesse et de l’allaitement ?
Il existe un biomédicament autorisé, un anti-TnF alpha, le Certolizumab (mais là encore, beaucoup de données rassurantes quant à l’utilisation des autres anti-TnF alpha, Etanercept et
Adalimumab).
Pour les autres biomédicaments, il est recommandé de les arrêter au début du 3è trimestre de grossesse et de reprendre après l’allaitement. Si ce n’est pas le cas, il ne faut pas avoir peur de maintenir le traitement, en accord avec le dermatologue, en s’assurant d’un suivi à la maternité, mise au courant de la prise de cet immunosuppresseur. Le bébé sera considéré comme immuno-déprimé pendant quelques semaines .
C’est pourquoi on recommande d’arrêter le traitement en début du 3è trimestre, mais cela n’est pas toujours possible.
Puis-je porter un stérilet?
La réponses est « Oui » !
Puis-je donner mon sang?
Le don du sang est autorisé en cas de psoriasis léger, si le site de la ponction veineuse n’est pas touché et si le sujet n’utilise qu’un traitement cutané.
Par contre , en cas de traitement sous biothérapie, la réponse est non puisque le don du sang est impossible si le patient a été traité par immunosuppresseur au cours des 2 derniers mois (ou par corticoïdes au cours des 2 dernières semaines ou encore par étrétinate ou acitrétine au cours des 3 dernières années).
A noter qu’il n’est pas autorisé non plus si le patient a un psoriasis généralisé ou d’une forme grave, ou s’il existe une infection secondaire.
Est-ce que les risques de cancer sont aggravés?
Comme pour le risque infectieux, on avait suspecté ce risque d’effet secondaire. Mais d’après beaucoup de données cumulées dans le psoriasis, il n’y aurait pas de sur-risque de cancer chez les patients psoriasiques sous biomédicament.
Comment faire si on voyage ou travaille à l'étranger?
S’il s’agit de l’accès au traitement pour les gens qui séjournent plusieurs mois à l’étranger: l’ordonnance peut indiquer que le médicament doit être délivré pour une période de 3 à 6 mois en justifiant les raisons de la situation exceptionnelle. On peut partir avec les doses et réaliser ses injections soi-même à l’étranger, puisque la plupart des biomédicaments sont présentés sous forme de « stylos ».
Là encore, il faut avoir mis à jour le calendrier vaccinal en fonction de la zone où l’on voyage...
Télécharger cette fiche au format PDF.
Pour tout complément d'informations et une aide personnalisée :