Attaquer son rhumatisme psoriasique sur tous les fronts
L’emballement du système immunitaire responsable du psoriasis cutané peut toucher les articulations et les tendons, provoquant un rhumatisme psoriasique. Potentiellement invalidante au quotidien, cette pathologie nécessite une prise en charge précoce et multidisciplinaire par des spécialistes, ainsi qu’une forte implication du patient.
Vous avez un psoriasis cutané et vous ressentez de la fatigue et des douleurs, parfois violentes, au niveau des articulations ?
Il n’y a pas à hésiter pour le Dr Nadia Belmatoug, rhumatologue à l’hôpital Beaujon à Clichy (AP-HP), allez consulter ! Il ne s’agit pas forcément d’un rhumatisme psoriasique, mais le maître mot reste « anticipation », explique le médecin à l’APM. Car s’ils arrêtent ou limitent les atteintes, les traitements ne réparent pas les destructions déjà présentes.
Le rhumatisme psoriasique est le troisième rhumatisme inflammatoire, derrière la polyarthrite rhumatoïde et la spondylarthrite ankylosante. Il appartient à la famille des spondylarthropathies, mais touche plus souvent les articulations périphériques (membres) tandis que la spondylarthrite ankylosante prédomine au rachis (vertèbres et bassin). Il concerne 0,2% de la population, et jusqu’à 30% des personnes souffrant de psoriasis cutané. Dans de rares cas, il apparaît en l’absence d’atteinte de la peau, même si « parfois, le patient ignore son psoriasis cutané et c’est le rhumatologue qui va trouver un point de psoriasis sur le cuir chevelu, le nombril, le pli interfessier ou sur un coude », prévient Nadia Belmatoug. « Les patients souffrent de douleurs communes aux spondylarthropathies », indique à l’APM le Dr Eric Lespessailles, rhumatologue au centre hospitalier régional d’Orléans.
Pour orienter le diagnostic, le spécialiste s’appuie sur l’existence d’un psoriasis cutané personnel ou familial, et sur un faisceau de signes cliniques, biologiques et radiologiques. L’atteinte des interphalangiennes distales, c’est-à-dire le bout des doigts, l’asymétrie des douleurs, ou leur persistance au repos font partie des signes caractéristiques. « Typiquement, le genou droit et la cheville gauche vont être touchés », illustre Eric Lespessailles, « ou le patient est réveillé la nuit et souffre d’une importante raideur matinale, qui se lève progressivement au cours de la journée ».
Les antalgiques et les anti-inflammatoires suffisent généralement pour soulager les rhumatismes psoriasiques modérés. Prescrits pour les formes sévères, le léflunomide et le méthotrexate améliorent aussi un éventuel psoriasis cutané, détaille le Dr Lespessailles. La salazopyrine, également utilisée, est en revanche sans effets sur la forme cutanée. Si les traitements conventionnels échouent, les biothérapies à base d’anti-TNF alpha (etanercept, adalimumab, infliximab) peuvent être proposées, le TNF alpha étant une molécule fortement impliquée dans la réaction inflammatoire. En dernier recours, il reste l’abatacept, peu proposé, évoque Eric Lespessailles. Des traitements locaux, comme les infiltrations ou les synoviorthèses sont également envisageables.
La collaboration entre les médecins, en particulier entre le dermatologue et le rhumatologue, est indispensable car les traitements nécessitent un suivi médical attentif. « Certains patients ont trop d’examens biologiques, prescrits en doublon par le rhumatologue et le dermatologue, tandis que d’autres n’auront pas un suivi suffisant», commente Nadia Belmatoug. Elle encourage fortement le patient à « se prendre en charge lui-même et à constituer un dossier, avec prescriptions, examens et double des courriers, à apporter à chaque consultation ». Comme dans toute maladie chronique, « le patient doit s’impliquer », insiste-t-elle. Cette démarche « nécessite une explication suffisante et même une éducation thérapeutique ». Des séances en hôpital de jour avec un médecin, une infirmière, voire une diététicienne, sont l’occasion d’aborder avec le patient les injections pour les biothérapies, la surveillance des traitements, les voyages, les grossesses, la conduite à tenir en cas d’infections, et les vaccinations, dont certaines sont nécessaires et d’autres contre-indiquées sous biothérapies. « L’équipe médicale et paramédicale doit assurer un entourage, un compagnonnage pour que les patients apprennent à gérer et anticiper ces situations », affirme le Dr Belmatoug.